Le long chemin des entreprises vers l'intelligence artificielle

Un consensus émerge aujourd’hui dans les entreprises sur le potentiel de l'IA en matière d’amélioration de la productivité et de réduction des coûts. Cependant, des obstacles à la mise en œuvre de l'IA subsistent, que mettent en avant deux études récentes.

ENTREPRISES ET IA

8/5/20245 min read

Un consensus émerge aujourd’hui dans les entreprises sur les avantages de l'investissement dans l'IA, principalement du fait de son potentiel d’amélioration de la productivité et la réduction des coûts. Cependant, des obstacles à la mise en œuvre de l'IA subsistent, notamment les contraintes financières, les stratégies inadaptées, les défis d'intégration dans les systèmes existants et le manque de personnel qualifié. C’est ce que mettent en avant deux études récentes :

• Un rapport de juin 2024, Baromètre IA : Entreprise et Durabilité, fruit d'une collaboration entre l'institut « AI for Sustainability » de l'ESSCA et Forvis Mazars, basé sur un questionnaire adressé à plus de 400 responsables informatiques en France et au Royaume-Uni, apporte un éclairage sur l’intégration de l'IA en entreprise. Il met particulièrement l’accent sur les liens avec la durabilité, l'éthique et la conformité réglementaire.

• Une étude parue en août 2024, Les Entreprises Françaises à l’Heure de l’Intelligence Artificielle et du No-Code de l’institut Selvitys menée pour l’agence spécialisée en data FLASHS et Hostinger.fr

Les enseignements que l’on peut en tirer du point de vue de la prise en compte de l’éthique de l’IA sont multiples :

Pourquoi elles y vont

Un premier point intéressant, qui peut éclairer les difficultés rencontrées, est celui des raisons qui motivent le lancement de travaux d’IA. En effet, seules 23% des entreprises s’y sont engagées sur la base de besoins clairement identifiés. Pour le reste, les motifs restent relativement imprécis : 31% le font par peur de rater un tournant technologique majeur (« ne pas rater le train »), 29% sur l’impulsion de décideurs ou de consultants. Ce dernier point met en lumière la nécessaire formation des décideurs, constamment sollicités par les grands cabinets de conseil et acteurs du numérique pour des propositions commerciales poussant à l’usage de l’IA. Ces décideurs doivent être formés, pouvoir s’appuyer sur des compétences en interne pour éclairer les décisions et faire contrepoids à cette sollicitation permanente. Il y va de la pertinence de leurs décisions et du succès des projets de l’entreprise. Toutes les entreprises n’ont pas les moyens de construire en interne des systèmes d’IA, mais toutes devraient au moins se doter d’une expertise suffisante pour piloter les prestataires qui proposent des solutions et leur imposer un cadre suffisant de maîtrise de l’IA.

Par ailleurs, le fait que 38% de ces systèmes d’IA soient utilisés dans les directions informatiques montre que les autres acteurs de l’entreprise ne sont pas encore pleinement intégrés dans la réflexion, et qu’une stratégie d’ensemble autour de l’IA peine souvent à émerger. Ces situations de stratégie mal définie expliquent une bonne part des problèmes de mise en œuvre.

Les limites et les causes d’échecs

Cet état d’impréparation des initiatives en matière d’IA a probablement un impact sur les problèmes importants rencontrés par 22% des entreprises dans la mise en œuvre : ils relèvent pour environ 45% de la stratégie et des moyens financiers, humains et technologiques (une bonne évaluation de ces aspects est toujours difficile en l’absence de besoins clairement défini), pour 30% de difficultés relatives aux données (là aussi l’absence d’un besoin clair ne facilite pas le travail préalable autour de la disponibilité et de la qualité des données nécessaires au projet) et pour 25% des enjeux de confiance et responsabilité (souvent par absence de co-construction dès le départ avec l’ensemble des utilisateurs concernés, salariés et managers).

L’étude FLASHS/Hostinger permet de compléter cette perception des entreprises sur les difficultés liées à l’IA. Pour elles, il s’agit principalement du manque de compétence et d’expertise en interne pour 48% des cas, de problèmes de sécurité et de confidentialité des données pour 36%, de la résistance des salariés au changement pour 33%, du coût élevé de la mise en œuvre pour 23%, du risque d’une utilisation excessive par les salariés pour 17%

On peut noter au passage que la formulation assez courante de « résistance des salariés au changement » reste un marqueur assez fort d’une certaine conception de la transformation en entreprise. Elle laisse supposer que le changement tel qu’il est imposé dans les outils, l’organisation, est nécessaire et incontournable, et que s’y opposer est une marque de conservatisme. Or la question n’est pas tant celle d’une résistance au changement par principe, mais à certaines formes de transformations menées sans y associer les parties prenantes, notamment en l’occurrence les salariés. Ces questions de démarche centrée utilisateur depuis la conception jusqu’au déploiement et au suivi des systèmes d’IA, de prise en compte du corps social et de dialogue avec les organisations représentatives des salariés sont essentielles.

Des enseignements pour réussir

En revanche, les difficultés semblent généralement servir d’enseignement aux entreprises qui les ont rencontrées :

  • 55% des entreprises disposent (ou vont disposer) d’une équipe responsable de la mise en œuvre et gestion de l’IA ; ce taux est de 92% pour les entreprises ayant connu des problèmes

  • 26% des entreprises se disent préparées à faire face aux difficultés et risques liés à l’utilisation de l’IA, contre 52% pour les entreprises ayant connu des problèmes

  • 39% des entreprises ne dispensent ni n’envisagent de dispenser des formations de leur personnel à l’IA, taux réduit à 16% pour les entreprises ayant déjà connu des problèmes

  • 32% des entreprises n’ont pas et n’envisagent pas de dédier une équipe pour gérer les considérations éthiques dans l’IA, un taux qui chute à 8% pour les entreprises ayant connu des problèmes éthiques

Cela plaide pour une démarche d’expérimentation sur des périmètres progressifs permettant d’ajuster les pratiques au fil des constats et de limiter les risques.

Ces études montrent la nécessité d’une démarche consistant à établir un cadre clair sur les engagements éthiques de l’entreprise, et à expérimenter progressivement dans ce cadre pour définir et ajuster en permanence les règles opérationnelles. Associée à la définition d’un besoin clairement défini avec l’ensemble des parties prenantes, cette approche constitue un socle indispensable à la montée en maturité des entreprises sur le sujet de l’IA et à la réussite des projets.

Pour aller plus loin :

Baromètre IA : Entreprise et Durabilité :

https://www.essca-knowledge.fr/tous-les-articles/ia-developpement-durable/barometre-ia-entreprise-et-durabilite-perspectives-des-entreprises-francaises-et-anglaises/

Les Entreprises Françaises à l’Heure de l’Intelligence Artificielle et du No-Code :

https://www.hostinger.fr/tutoriels/entreprises-francaises-ia-no-code

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